L'année 2011 étant l'occasion de fêter le 1100ème anniversaire du traité de St-Clair-sur-Epte fondant l'assise territoriale du duché de Normandie, la question d'une identité normande (à retrouver ou à créer ? ) est posée dans certains médias ou évoquée par certains élus.
Lors de l'assemblée plénière du Conseil régional de Basse-Normandie de décembre dernier, j'ai posé la question de savoir si notre identité de "bas-normands" nous paraissait comprise et acceptée ou insuffisante et à parfaire, dans sa vocation à porter une stratégie de développement.
Je veux rester prudent. La question de l'identité peut être nauséabonde en ces temps de crise. Le Président Sarkozy a voulu l'utiliser à des fins électorales concernant le débat malsain lancé sur "l'identité nationale". Je ne veux donc pas faire de fausse manoeuvre en posant la question de l'identité normande. Car même transposée à l'échelle territoriale la question identitaire, on l'a vu dans le passé, peut dérapper et conduire au pire.
Mais je tente néanmoins de lancer la réflexion car la question du développement territorial est aussi posée. Des sujets "normands" sont sur la table comme le ferrovaire, l'université, le tourisme, les aéroports, les ports ou la culture. Partisan d'une réunification qui butte encore et toujours sur des intérêts territoriaux divergents des deux côtés, je me dis que néanmoins la résolution de ces sujets peut apporter une vraie dynamique pour engager un nouveau mode de développement. Car il faut éviter la marginalisation concomitante des deux Normandie.
J'ai été brocardé quand j'ai dit qu'il nous fallait travailler "à la bretonne". Je le pense sincèrement et les faits montrent que les bretons s'en sortent mieux que nous (bas et hauts-normands) dans cette traversée de crise par un mode de mobilisation collectif basé sur le consensus et le rassemblement territorial "identifié".
J'ai baptisé le travail de prospective en cours en Basse-Normandie "Normandie 2020" pour cette raison. je suis persuadé qu'une dynamique de projets normands peut être un "moteur" de croissance durable pour les territoires normands.
La question est donc pour moi de trouver le chemin, démocratique et républicain, pour faire avancer cette identité normande au mieux de l'intérêt général et non des intérêts particuliers.
Je ne peux que partager ce point de vue non identitaire sur l'identité régionale:
vous me permettrez néanmoins cette petite réflexion:
la France est une et unique en son genre comme les autres "nations" européennes, car elle est avant tout, un patchwork fait de morceaux de couleurs, de tissus et de tailles différents, un beau patchwork que je préfère de loin à tous les saint-suaires sans coutures du nationalisme unitaire qui ont tant ensanglanté les XIX et XXème siècles... Le patchwork français assemblé avec patience a fini par envelopper des valeurs communes que l'on souhaite universelles: la Liberté, l'égalité et la fraternité au risque d'une Révolution qui aurait bien voulu finalement débarrasser les nouveaux citoyens tous nus de ce vieux patchwork pour un drap un peu sec coupé au cordeau...
Fort heureusement et avec sagesse les députés constitutionnels de 1790 ont su repousser le projet du député Tourret (un rouennais ! j'en suis vraiment désolé) qui voulait découper, tel un équarisseur, la France en quelques 80 carrés de 80 lieues de côté. Ils préférèrent le projet actuel qui reprend dans la plupart des cas les limites plus sinueuses et plus historiques des anciennes provinces ou diocèses: la Normandie ducale indépendante jusqu'en 1204 puis province française jusqu'en 1790 survit jusqu'à aujourd'hui grâce aux cinq départements parfaitement cohérents dans le vieil espace historique normand...
Aujourd'hui, les régions qui fonctionnent le mieux sont celles où il y a une cohérence et une évidence entre la géographie administrative et institutionnelle et la "géo-histoire":
la Normandie, l'un des plus vieux morceaux du patchwork français ne pose aucun problème "identitaire" mais la division en deux "néo-régions" administratives de l'évidence "géo-historique" normande pose surtout la question de l'identité ou de l'existence même de la notion de "région" dans une France marquée, surtout depuis 200 ans, par un centralisme parisien rigide.
Le patchwork c'est délicat, subtil et fragile: pas sûr qu'il sortira en meilleur état de l'actuelle essoreuse néo-jacobine voire néo-bonapartiste!
Rédigé par : Philippe CLERIS | 10 janvier 2011 à 20:49
Boujou.
Sur cette question d'identité il est évident, comme vous le soulignez, qu'il y a à apprendre de nos voisins bretons.
Dans le concret il y a un schéma qui doit tout à la politique des élu(e)s dans ce domaine. Toutes les mairies et lieux publics bretons arborent le drapeau breton comme une évidence, à leur suite tous les bretons apposent un drapeau breton sur leur véhicule. Cette matérialisation ainsi construite devient une autre évidence dans l'économie de la région.
En effet la signalétique "Produit en Bretagne", lancée sur cette identité omniprésente et affichée, devient alors la première marque "régionale" de France et un vecteur économique essentiel, et ce n'est qu'un exemple!
Ce travail de la région a porté ses fruits outre Couesnon et la Bretagne a ainsi une image, une identité, qui porte bien plus loin que son simple territoire.
Alors j'en appèle aux autorités de notre région (celle des cinq départements) pour qu'elles prennent conscience de leur rôle de locomotive (l'image du train étant d'actualité) sur ce sujet.
il y a plusieurs niveaux d'identités : l'administratif de la réunification, le sensible, l'économique et le visuel.
Tout cela est lié en toute évidence mais si nos mairies nous montraient le chemin en pavoisant Normand, ne serait-ce pas déjà un pas en avant vers une (re)construction de l'idée Normande... soyez conquérant.
Bien à vous.
Rédigé par : NORMANRING | 28 janvier 2011 à 07:39