Tout d’abord, au nom des membres du bureau de l’association
des anciens fondeurs et victimes de l’amiante, nous tenons à remercier
M. le Maire, Melle FILLION, les conseillers municipaux de nous avoir permis de
mettre en place cette commémoration importante pour la mémoire de tous les
ex fondeurs d’ARGENTAN.
Je remercie également la présence de M. BEAUVAIS, M.
LEVEILLE, M.GOASDOUE, le secrétaire général de la CGT et néanmoins ami
Thierry LE PAON,les camarades de l’Union locale et Union départementale CGT,
j’en oubliecertainement, ne m’en voulez pas.
La présence de beaucoup d’entre vous ce matin témoignent de
l’importance qu’à eu cette fonderie historique née en 1958 sous le nom de
GRANDFILS avec la présence de 15 personnes dans les ateliers puis devient
entreprise D.WAELES en 1966 avec un nouveau procédé de fabrication aluminium
type coulé.
Je souhaiterai dans mon intervention tracer l’historique de
la fonderie comme l’on vécut ceux qui étaient les premiers concernés,
c'est-à-dire les salariés que ce soit sur l’évolution des conditions de vie et de travail
dans l’entreprise comme le mal être d’une fermeture d’entreprise. A l’époque,
le monde de la fonderie est dur avec des charges lourdes avec des louches
pesant plusieurs kilos, des moules en fonte ou bien souvent certains
prenaient des pieds de biches pour décoller les pièces collés dans le fond comme
lors de la fabrication de roues de char, ou encore de grosses culasses renault. Mais nous avons su également être pointilleux en travaillant
pour la NASA pour la fabrication de tête de missile, des pièces à contrôle
important, la fabrication de nez de démarreur,
des culasses de mobylette, des cocottes, certains en ont toujours dans leur cuisine, des collecteurs d'échappement,
des carters de boite de vitesses. Chacun ici se rappelle du " Coque France
" , une pièce énorme où il y avait 3 ou 4 fondeurs autour du moule pour la fabriquer. La chaleur, la fumée et la sueur faisaient partie du
quotidien des salariés qui avaient obligation de boire plusieurs litres d’eau dans la
journée pour ne pas tomber devant les fours.
Alors évidemment, cette entreprise aura laissé bon nombres
d’anecdotes, d’ailleurs certains nous en racontent encore lorsqu’ils se
déplacent au local de l’association et donc je vous ferai grâce de toutes les
énumérer ici. Par contre, je suis sur que chacun et chacune des salariés
ici présents se rappelleront des départs en vacances de fin juillet ou
l’entreprise acceptait encore à l’époque que tout le monde commence à 4H pour finir
vers 8H du matin, on voyait donc les ateliers se transformer en salle
de cuisine ou chacun apportaient des spécialités de toutes parts, les fours à
fuel devenaient des micro ondes et les moules servaient de chaises, cette époque
le permettait, le travail était fait, l’ambiance était bonne et ce moment
était fort puisqu’il permettait de se retrouver pour décompresser. C’était aussi
ça cette fonderie avec des moments conviviaux, de joie dans le travail et de
camaraderie.
Les années passant, nous avons senti une évolution dans les
conditions de travail qui devenaient certes moins physiques avec des
investissements souvent importants comme la construction du bâtiment que
l’on appelait GUTEMBERG, une deuxième fonderie presque ou la robotique
prenait le pas sur la bonne marche de l’entreprise avec l’installation de
coulée automatique et l’objectif de réduire le personnel. C’est à cette époque
également que nous avons vu apparaitre le stress, accidents de travail
réguliers notamment dus au management ou les cadences devenaient infernales. Les chefs
subissaient quant à eux des pressions par la hiérarchie sur des
objectifs de rentabilité donc évidemment s’en prenaient sur les salariés, un changement de
comportement qui nous laissait prédire que les années 90 étaient bien
là. Cette nouvelle décennie à donc été marquée par un sentiment de modification de mentalité dans les têtes de tous ou simplement le fait de
prendre un café, manger au réfectoire à plusieurs, et parler devant un bon
sandwich ensemble commençait à poser problème dans l’entreprise et au point de
subir dessanctions de la part des supérieurs.
L’arrivée du groupe VALFOND en 1997 a été un véritable
tournant dans cette entreprise avec le célèbre ami de BERNARD TAPIE le dénommé
Michel COENCAS, certains ici s’en rappellent, celui qui venait
participer aux réunions de négociations annuelles sur les salaires en hélicoptère
pour dire au syndicat CGT : je cite, " Messieurs le groupe est en difficulté, il
va falloir se serrer la ceinture." Un virage important était pris avec une gestion frauduleuse
visant à récupérer les richesses crées et l’objectif de dilapider le savoir
faire de l’entreprise reconnu par bon nombre d’entreprises du secteur automobile.
Cette situation ne pouvant plus durer, les actionnaires vendent le groupe
aux célèbres requins de la finance qui n’est autre que l’Union Des Banques
Suisses. 2002, année charnière avec l’arrivée du groupe APM et 75
millions d’euros donnés pour deux dirigeants qui n’avaient que pour but
d’organiser une mort lente qui durera une année pleine. Une belle stratégie pour
ne pas entacher la marque d’UBS.
Mais l’année 2002, sera également le début de l’instruction
par le CHSCT du dossier amiante, certains dirigeants de l’époque nous
aidaient même dans la constitution de celui-ci en nous fournissant factures,
documents diverses qui attestaient de la présence d’amiante dans l’entreprise.
Cela fera donc dix ans pratiquement jour pour jour puisque
c’était le 31 octobre 2003 que le tribunal de commerce d’ALENCON sonnait
le glas en annonçant la fermeture de cette entreprise par une
liquidation judiciaire. Une annonce qui fait mal notamment aux 320 salariés restant et
qui sonne comme un coup de massue dans la ville d’ARGENTAN car dilapider ce
fleuron industriel était mettre un terme à toute une histoire de la vie
ouvrière.
Je souhaiterai rappeler ici à cet endroit que tout le monde
savait, oui tout le monde, le patronat, nos dirigeants qui pour la plupart ont
décliné l’invitation aujourd’hui
d’ailleurs, savait que les produits utilisés dans cette entreprise que ce soit la silice cristalline, le gaz carboxique, l’éther de
glycol, l’amiante étaient cancérigènes et par conséquent étaient néfastes pour ceux
qui le manipulaient. Alors que les
représentants du personnel ou bien le CHSCT lorsqu’il s’est mis en place dénonçaient
dès qu’il le pouvait ces conditions de travail déplorables, aucun médecin du travail, aucun dirigeant n’a osé suivre la
voie de la raison pour stopper cet hécatombe.
J’en viens à notre dossier amiante, notre combat continue
oui, j’aurai souhaité vous annoncer aujourd’hui une bonne nouvelle mais non la
justice à tranché une fois de plus cette semaine avec notre résultat négatif
au tribunal administratif de CAEN.
Je souhaite ici dénoncer cette obstination de refus de notre
dossier, non pas par une contestation systématique mais pour essayer de
réveiller les consciences dans ce pays car que ce soit de la part de la
justice comme les gouvernements successifs, rien n’y fait pour que ce dossier
soit enfin accepté au journal officiel.
Je rappelle que nous
nous battons pour 35 personnes concernées pour les années 2013 et 2014 et moins d’une centaine d’ici 2020. Cela
fera donc 10 ans également que notre association et les adhérents qui la
composent se battent pour que ce dossier soit inscrit et reconnu dans le marbre
une bonne fois pour toute, j’estime que cela serait un moindre mal pour tous nos
collègues décédés des suites de cette maladie, je pense à Joel, Arlette,
Patrick, Gérard, Alain, etj’en oublie certainement.
Comment expliquer l’injustice que vivent les salariés
restant quand on voit que le tribunal administratif de CAEN avait inscrit notre
entreprise en 2008 et qui vient de refuser cette même entreprise la semaine dernière
au même endroit.
Comment comprendre ce blocage permanent ?
Nous faisons confiance à
la justice mais il est difficile pour nous d’entendre dans certaines juridictions que l’amiante était manipulé
seulement par des entreprises extérieures. Si cela était le cas, alors comment explique t’on tous ces
décès, toutes ces maladies professionnelles reconnues MP 30.
- Le rapport de l’inspection du travail et de la direction
régionale du travail qui atteste que l’amiante faisait partie du quotidien.
- Le TASS de l’ORNE qui a chaque fois condamne notre employeur
pour faute inexcusable.
- Les 46 salariés qui ont pu partir en départ anticipé début
2009 ;
- L’entreprise de désamiantage qui est restée plus d’un mois
sur place pour vider les tonnes d’amiante dans l’entreprise?
Qui peut oser prétendre cela ? en tout cas, pas ceux qui en
ont respiré à longueur de journée dans les ateliers.
Ce moment et cette journée sera et restera dans la mémoire
des fondeurs, les membres du bureau moi-même en tant que Président souhaitions
faire de cette commémoration un moment de souvenirs mais aussi un
signe porteurd’espoir pour tous les salariés qui restent. Les salariés se sont toujours battus pour cette entreprise
en essayant de la sauver lors des licenciements avec une lutte qui a duré 9
mois je le rappelle. Mais également, lorsque nous avons gagné aux prud’hommes
pour contester nos licenciements. Alors nos collègues morts par ce poison ne doivent pas
l’être pour rien, cela doit servir d’exemple à tout ceux qui se battent pour lutter
contre les mauvaises conditions de travail dans les entreprises, à tout
ceux qui meurent sur leur lieux de travail et bien sur à tout ceux qui se
battent contre la casse de l’industrie dans ce pays (je pense évidemment à la fermeture
de FILTRAUTO à ARGENTAN).
Une entreprise qui ferme fait obligatoirement un impact dans
le bassin d’emploi et nous l’avons bien vu sur ARGENTAN, la fermeture
de cette fonderie aura impacté les services sociaux, les entreprises sous
traitantes tels que les couvreurs, les agences de nettoyage, maintenance, mais
également fait partir des salariés hors de la ville.
Cette stèle doit être un exemple, un symbole fort sur ce
bassin d’emploi, les hommes et les femmes ne sont pas des marchandises au service
du profit.
Plus que jamais, il faut se battre pour éviter de revivre ce
drame qui ont ruiné des centaines de famille.
Mes chers amis, mes chers collègues, je tiens à remercier
tout ceux qui nous soutiennent dans notre combat qui espérons le se terminera
rapidement, nous demandons qu’une justice soit faite dans ce dossier. Avec
les collègues de Condé sur noireau dont certains représentants sont ici
présents, nous avonsdécidé de joindre nos forces pour monter au plus haut cette
injustice et organiserons une conférence de presse Vendredi prochain à
FLERS à 11H.
C’est avec une grande émotion en tant que Président de cette
association mais aussi fils d’une salariée administrative de cette fonderie que j’évoque tous ces souvenirs qui sont aussi les miens, ce lieu évoque beaucoup
de souvenirs et nous souhaitons une fin honorable ; Je compte donc crée un comité de soutien avec tout ceux qui
souhaiteront l’intégrer, nous demandons réparation et justice pour nos
collègues.
Je vous remercie de m’avoir écouté.