On continue bien entendu à me poser des questions sur la réunification ! Quand et comment ?
Je réponds qu'aujourd'hui, encore plus qu 'hier, je reste pragmatique pour ce beau projet territorial, unique en France. Je confronte l'idée générale à la réalité. Par exemple à notre capacité à réussir deux dossiers très concrets : le PRES et le débat public sur la LGV. Ils sont pour moi en quelque sorte un "test".
Le PRES (Pôle de recherche et d'enseigenement supérieur) Normand butte sur des questions d'équilibre à trouver entre les 3 Universités de CAEN, ROUEN et le HAVRE. Des questions précises comme la gouvernance ou bien le siège font débat. Aucun ne veut être "absorbé" par l'autre, on veut "s'y retrouver"... Légitime mais en même temps problématique : peut-on s'entendre, pourquoi faire... ?
S'agissant de la LGV, la question est comparable : peut-on regrouper nos ambitions respectives pour faire un "front commun" ? CAEN à 1h 15 de Paris : est-ce un objectif compatible avec la problématique de la gare de ROUEN, quand on sait que les sommes nécessaires à ces projets seront gigantesques ? La différence des situations et des rapports de force peut-elle être oubliée pour porter ensemble les problématiques (ensemble, on fait toujours mieux que seul ! ) ?
Nous travaillons, Bas-Normands et Hauts-Normands sur ces sujets depuis plusieurs mois, si nous réussissons à trouver des compromis nous gagnerons, si nos spécificités ou nos égoïsmes l'emportent et empêchent ces compromis ,nous échouerons séparément.
On peut aussi parler des dossiers portuaires ou aéroportuaires qui sont stratégiques pour les deux régions mais interviennent de façon souvent inégale ou diverse sur les deux territoires.
Voilà pourquoi je suis d'abord pragmatique, comme je l'ai toujours été sur la question de la réunification. C'est par la "preuve" que nous gagnerons sur les conservatismes. Avancer ensemble, élaborer des compromis ensemble : voilà comment je "jauge" notre capacité à construire une seule région Normande, une grande Région. Il faudra aussi, c'est à mon avis promordial , que la réforme des collectivités soit abrogée en 2012 (comment travailler avec 200 ou plus conseillers territoriaux et sans ressources fiscales propres ? ) et qu'un vrai choix de décentralisation de compétences nouvelles de l'Etat vers les Régions sont vite engagé .
On le voit , il reste encore un grand chemin à parcourir !
Pragmatisme et volonté: il n'y a pas de mauvais vent pour le marin qui sait où il doit aller, pour reprendre la formule de Sénèque...
Nous devons sortir du scepticisme et du défaitisme.
Cette volonté de marcher vers l'unité normande doit être présentée à nos concitoyens, soutenue par les intellectuels, écrivains, universitaires, artistes qui aiment la Normandie: l'action politique y trouvera enfin un peu de noblesse et de crédit quand on voit en "une" de Libération un sondage consternant sur la classe politique (64% des Français estiment que la classe politique est "corrompue")
Concernant la Normandie, tout comme l'Europe, seules les réalisations concrètes permettront à tous les Messieurs Jourdain de la réunification de la faire... Mais n'attendons pas que ces Messieurs Jourdain se réveillent enfin pour mettre en oeuvre les projets: le TGV, Normandie Impressionniste, les Jeux équestres, le PRES, les coopérations et fusions qui se multiplient en tous domaines à l'échelle normande font oeuvre puissante de pédagogie: la Normandie se réveille enfin!
Cependant, en raison de l'émiettement institutionnel en Normandie, attendre qu'il y ait enfin une unanimité normande est illusoire...
Par contre ce qui est indispensable, voire urgent, c'est l'émergence d'un consensus fort partagé par les élus, toutes tendances confondues, qui veulent agir pour l'unité normande.
Pour que ce consensus puisse s'exprimer et trouver sa légitimité il faut affirmer l'impératif d'intérêt général normand et celui d'un intérêt national concernant l'avenir maritime de la France ou de l'avenir même du Grand Paris.
A l'instar de l'association "Normandie Grande Vitesse" qui fédère les énergies sur la "bataille du rail", il faudrait créer une structure ad-hoc ayant pour but l'élaboration et la promotion d'un projet global pour la Normandie à l'horizon 2020.
Pour reprendre les recommandations de Jacques ATTALI, il va falloir s'entendre pour que l'on nous entende et faire rapidement les compromis pour enfin agir sur l'essentiel.
Je crois sincèrement enfin que les citoyens de notre région seront sensibles et adhéreront à cette ambition politique dès lors qu'elle sera présentée, expliquée et surtout partagée avec eux...
Un dernier mot de Jacques ATTALI pour conclure: "le meilleur moyen de ne plus avoir peur c'est d'avoir des projets"
Rédigé par : Philippe Cléris | 05 juillet 2010 à 11:49